Depuis quelques temps, les médecins sont confrontés, et cela m’est arrivé, à des demandes de renseignements médicaux émanant des services de police qui résultent d’une mauvaise interprétation des textes de la part de certains fonctionnaires de police ou de la gendarmerie.

En cas de découverte de cadavre de mort violente ou non, ou dans le cadre d’une enquête préliminaire, les agents de police et de gendarmerie se présentent au Cabinet d’un Médecin pour avoir des renseignements médicaux sur un patient. Ils précisent que le secret médical ne peut pas leur être opposé voire exercent des menaces de poursuite.

Le Médecin alors intimidé donne les renseignements qui lui sont demandés.

Je vous propose une mise au point :

L’ORIGINE DU SECRET MEDICAL :

Il trouve ses sources dans la médecine hippocratique. Puis, en 1810, les Médecins sont les premières personnes astreintes au secret professionnel (Art. 378 du Code Pénal). Il figure actuellement dans l’article 226-3 du Code Pénal.
L’article 226-3 ne fait plus référence de façon spécifique aux Médecins mais cela ne modifie en rien la substance du secret médical.
De la même façon, les articles 434-1 du Code Pénal relatifs à l’obligation de dénoncer un crime et 434-11 du Code Pénal obligeant à témoigner en faveur d’un innocent exceptent les personnes tenues au secret professionnel.
Enfin, l’article 4 du code de déontologie repris sous l’art. R.4127-4 du Code de la Santé Publique définit le secret médical.
Il faut aussi citer la Loi 2002-303 (Loi Kouchner) du 4 mars 2002 qui précise :
« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. »

LES DEROGATIONS AU SECRET MEDICAL :

- Sévices à un mineur ou de personnes vulnérables (Art. 226-14 du Code Pénal et Art. 44 du Code de déontologie médicale).
- Prévention d’un assassinat.
- Droits de la défense : le médecin accusé peut révéler des faits couverts par le secret médical mais ces révélations doivent être limitées et proportionnées pour ne pas tomber sous le coup de l’Article 226-13 du Code Pénal.

La justice peut demander la collaboration du médecin dans différentes circonstances :

  • LA REQUISITION.
  • LA PERQUISITION.
  • LA SAISIE DE DOSSIER MEDICAL.

A. Au cours d’enquêtes, la justice peut REQUERIR le médecin :
 

- Pour des examens techniques (découverte de cadavre, alcoolémies, autopsie…) : le Médecin peut refuser son concours en cas d’inaptitude physique, d’inaptitude technique (attention à ce point qui peut être à double tranchant) ou lorsqu’il est le médecin traitant.
- Pour des demandes d’informations (date de consultation, objet de la consultation, nature des traitements : dans tous ces cas, le Médecin est tenu au secret médical, que les renseignements soient administratifs ou médicaux).
- Pour des demandes de documents et listes : les lois Perben de 2003 et 2004 donnent au Procureur de la République dans le cadre d’enquêtes préliminaires (Art. 77-1 du Code de Procédure Pénale) ou enquête de flagrance (Art. 60-1 du Code de Procédure Pénale) la possibilité de « requérir de toute personne ou de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. »

Dans les cas qui ont posé litige, l’officier de police cite pour partie les dispositions de l’article 77-1-1 du Code de Procédure Pénale et notamment une amende de 3750 euros prévue dan l’article 60-1 mais oublie de préciser qu’elles exceptent de leur application les médecins (référence à l’article 56-3).

En effet, il est précisé (Art. 60-1) que le Procureur peut obtenir des documents « sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. » Cependant, pour trois professions (avocat, journaliste, médecin) la remise de documents ne peut se faire qu’avec l’accord du professionnel.
Or le secret médical est « un motif légitime ».
Enfin, il ne faut pas oublier que les avocats des parties seront en droit de vous demandes des comptes pour non respect du secret médical !

DONC LE REFUS DE DONNER SON ACCORD NE PEUT PAS ETRE SANCTIONNE.
LE MEDECIN, TENU PAR LE SECRET PROFESSIONNEL MEDICAL NE PEUT, MEME SUR REQUISITION, APPORTER CE TEMOIGNAGE.
 

B. LA PERQUISITION
 

L’article 56-3 du Code de Procédure Pénale prévoit qu’elle est menée au Cabinet du médecin EN PRESENCE d’un membre de l’Ordre. Est exclu de cette perquisition le domicile du médecin (à l’occasion de perquisitions faites dans une chambre d’hôtel d’une équipe sportive, la cour de cassation le 08/06/1999, a jugé que celle-ci n’était pas un Cabinet médical).
 

C. LA SAISIE DE DOSSIER
 

Elle n’est pas prévue dans le Code de procédure pénale !

Un arrêt de la cour de Cassation (Cass crim 20 sept 1995) a jugé « inacceptables les dispositions de l’Article 56-3 (ex 56-1) à la simple remise d’un dossier médical effectué à la demande d’un OPJ qui ne s’était livré à aucune recherche pour entrer en possession du dossier ».

Il y a eu un accord avec la Chancellerie pour admettre qu’un Médecin requis par un OPJ, sous le contrôle du Procureur ou d’un Juge, puisse remettre un dossier identifié mais non un fichier EN PRESENCE D’UN MEMBRE DE L’ORDRE.
Celui-ci expliquera au Médecin le déroulement et veillera à la bonne régularité de la saisie (scellés, confidentialité).

Il y a là aussi un désaccord entre justice et Médecins sur la nature des scellés et vous pourrez voir le représentant de l’Ordre faire des réserves écrites sur le respect du secret médical et des droits de la défense lors de saisie sous scellés, ouverts lorsque ce n’est pas le Magistrat qui opère la saisie.

Vous trouverez toujours à votre disposition un conseiller ordinal qui vous indiquera la conduite à tenir.


Serge TAMISIER